Méditations (Pères de l'Eglise)
1- L'affection de l'Esprit produit la vie et la paix. (rom, VIII, 6)
Semblable à la source qui en distribuant ses eaux dans un jardin, y fais éclore les fruits et les fleurs diverses que nous y admirons, l'Esprit saint agit dans les âmes par des opérations diverses.
Il donne à celui-ci la sagesse qui explique ses oracles; à celui-là le don de prophétie; à tel autre l'intelligence des Ecritures.
Il inspire à l'un le goût de de la tempérance, il excite dans l'autre le sentiment de la miséricorde.
Il imprime en l'un un généraux mépris pour les choses de la terre, dans un autre une force héroïque qui le fait voler au martyre.
Les mouvements de l'Esprit n'ont rien que de salutaire. C'est un parfum suave, une chaleur tranquille. C'est le plus léger des jougs.
Sa présence est annoncée par des rayons de lumière et de science. Il ne vient que pour nous protéger contre le mal, guérir nos blessures, nous instruire, nous avertir, nous fortifier, nous consoler.
La lumière qu'il nous communique nous élève au-dessous de nous-mêmes, nous fait contempler ce qui est dans les cieux.
Dieu nous donne son Esprit un protecteur puissant, un grand docteur, un soutien invincible, un consolateur ineffable.

C'est lui qui nous enseigne à prier; c'est lui dont la vertu nous fait triompher dans des maux et des adversités par la perspective des biens immortelles qui remplaceront quelques souffrances d'un moment.
Il développe en nous toutes vertus.
Il en est le maître; il est la force qui nous sanctifie.
Saint Cyrille d'Alexandrie
2 - Mon Père agit jusqu'à maintenant et j'agis aussi (Jean, V, 19)
Si le Fils était moindre que le Père, ces paroles loin de le justifier contre les accusations de ses ennemis, n'auraient fait que le rendre véritablement criminel.
En supposant qu'il aurait eu tort de comparer sa puissance à celle de Dieu, il n'y aurait eu dans un pareil langage que de l'orgueil et la plus coupable présomption.
Pour vous rendre ma pensée plus claire par un exemple familier: un prince seul, il appartient de porter la pourpre et le diadème; ce sont là les marques da sa dignité, elle n'est propre qu'à lui.
Qu'un simple sujet s'avisât de se montrer avec cet ornement, et que, traduit devant le juge, il donnât pour excuse que le monarque portant ces attributs il peut bien les porter aussi: une semblable apologie bien loin d'être reçue, ne lui attirait-elle pas un sévère châtiment?
On sait encore qu'à la seule puissance royale appartient le droit de faire grâce aux malfaiteurs. Un simple juge qui se permettrait d'absoudre un criminel sous prétexte que le prince est en possession de le faire ne serait-il pas justement répréhensible comme ayant usurpé la prérogative de l'autorité souveraine?
Appliquons ce jugement à Jésus-Christ; s'il est vraiment roi, il a le pouvoir d'absoudre; s'il a la même plénitude de toute puissance que Dieu son Père, il a raison d'en user.
Son autorité est la même et il ne dit rien de trop quand il le déclare. Il est donc égal à Dieu puisqu'il fait les mêmes œuvres que Dieu.
Saint Jean Chrysostome

3- "O Eternel, si tu prends garde aux iniquités, qui est-ce qui subsistera? Mais il y a pardon auprès de toi afin qu'on te craigne." (Ps., CXXX, 3 et 4)
Si le seigneur séparait la justice d'avec la miséricorde, et qu'il exerçât la sévérité de ses jugements en raison de nos péchés; quelle espérance nous resterait-il?
Mais il a placé devant lui la miséricorde sur les degrés du trône où siège sa justice. L'une ne va point sans l'autre.
Dans le cœur de Dieu la miséricorde passe avant la justice; la justice vient après; ces deux perfections sont intimement unies, de telle sorte que la miséricorde ne donne point lieu au relâchement, ni la justice au désespoir.
Votre juge veut vous faire jouir de ses miséricordes, à la condition qu'après avoir péché, vous soyez humble, brisé de douleur et de repentir, dans une situation qui attire sa miséricorde; c'est alors qu'elle s'épanche libéralement.
Mais s'il découvre en vous un cœur impénitent, un esprit hautain, sans crainte de ses jugements; alors la justice reprend ses droits.
C'est ainsi qu'un médecin sage et humain commence par essayer les applications propres à adoucir le mal; et quand l'expérience lui apprend l'inutilité des fomentations contre une tumeur endurcie, il finit par avoir recours au fer.
Ne dites donc pas: la loi de Dieu est bonne, mais le péché est plus doux encore.
Peut-être pensez-vous que Dieu ne vous voit pas, qu'il ne lit pas au fond de votre cœur?

Détrompez-vous: "on ne se moque pas de Dieu".
L'ange des ténèbres fondra sur vous. Et alors quels regrets! Quels déchirements! Quelle tardive et stérile pénitence! Vous irez rejoindre les méchants au fond de l'abîme.
Saint Basile le Grand
4- "Invoque-moi au jour de la détresse, je te délivrerai et tu me glorifieras" (Ps, L, 15)
Il y a des afflictions que l'on voit et qui sont connues de tout le monde. Vous savez celles dont toute la terre est pleine.
Celui-ci est frappé par la disgrâce; Où est sur la terre l'homme qui soit sans chagrin? Tel est trahi par un ami devenu tout-à-coup son ennemi.
Ce sont là des tribulations et des plus amères. Au milieu de ces afflictions vous invoquez le Seigneur, et vous faites bien.
Invoquez-le donc, car il peut ou vous apprendre à supporter ces maux, ou les guérir. Il ne permet pas que la tentation aille au-delà de nos forces.
Et ces afflictions donc je viens de parler ne sont que celles qui viennent vous trouver.

Il en est d'autres que nous devons aller chercher, bien loin de les éviter: à savoir, d'être heureux dans le monde, de posséder trop de richesses; le chagrin de n'être pas encore avec Dieu; d'avoir toujours à nous alarmer pour notre salut.
Qui ne déplore pas son exil, ne pense guère à la patrie.
Nous faisons de bonnes œuvres; nous partageons l'hospitalité; le spectacle seul de ces misères n'est-il pas un sujet d'affliction?
Oh! Quand serons nous là, où il n'y a plus de pauvres à nourrir, plus de malades à visiter, plus d'ennemis à réconcilie?
Dans le ciel, tout est vérité, tout est sainteté, tout est félicité. On est rassasié de pain de la justice, abreuvé à la coupe de la sagesse, revêtu de l'immortalité.
Saint Augustin d'Hippone
5-"L'Eternel regarde des cieux et voit tous les enfants des hommes" (Ps, XXXIII, 13)
Nier la Providence c'est un délire égal à celui de l'insensé qui nie l'existence de Dieu.
En effet, n'est-ce pas la même chose de désavouer son existence, que de prétendre qu'il ne s'aperçoive pas de ce qui se fait sur la terre?
Car enfin un Dieu aveugle, n'est pas un Dieu.
Or quelle folie, ou plutôt quelle fureur de reconnaître un Dieu créateur de toutes choses, et de contester sa Providence; de dire que l'univers est son ouvrage et de soutenir qu'il ne s'intéresse nullement à ce qui le concerne; comme s'il ne l'avait tiré du néant que pour le laisser à l'abandon!
La chose parle d'elle-même. Dieu n'aurait rien crée, s'il n'avait pensé à rien.
Est-il dans le monde un homme assez stupide pour former et perfectionner un ouvrage, sans autre vue que de n'y plus penser par la suite?
Le laboureur, en cultivant une terre, se propose de la conserver après l'avoir cultivée. Le vigneron ne plante la vigne que dans le dessein de l'entretenir après l'avoir plantée.
Jette-t-on jamais les les fondements d'un édifice, a-t-on jamais bâti une maison sans espérance d'y loger? Mais Qu'est-il besoin de recourir à l'homme?

Le plus petits des animaux, guidés par l'instinct naturel, envisagent en quelque sorte l'avenir dans tout ce qu'ils font.
Eh quoi! Dieu qui donne au moindre animal l'affection pour l'ouvrage qui lui est propre, n'aurait-il que de l'indifférence pour ses propres créatures?
Serait-il donc le seul qui n'aimât point ce qu'il a produit?
Salvien
6- "L'Église est la colonne et l'appui de la vérité." (1 Tim, III, 15)
Nous savons que nos ancêtres ont semé dans le champ de l'Église le plus pur forment de la foi.
Il y aurait de notre part une monstrueuse inconséquence à vouloir y moissonner, non le grain, mais l'ivraie empoisonnée de l'erreur.
Cultivons, conservons dans leur pureté les germes salutaires qu'a produits une si heureuse semence; ne bouleversons pas le champs. Qu'il devienne permis à chacun d'innover; la religion tout entière tombe en ruines.
Une fois que l'on aura retranché tel dogme, chacun se croira en droit d'en retrancher un autre.
En détachant ainsi chaque jour quelques parcelles de la vérité, il faudra bien que l'édifice croule en entier.

Plus rien de sacré, ni d'inviolable dans l'Église, et le sanctuaire de la vérité ne sera plus qu'un profane rendez-vous, ouvert à tous les caprices des passions humaines.
L'Eglise garde avec fidélité le dépôt qui lui a été confié: elle n'y ajoute, elle n'y retranche rien.
Attentive à maintenir la pureté de la foi, elle ne rejette rien de ce qui est essentiel, elle n'introduit rien de superflu, elle conserve ce qui lui appartient, elle n'admet rien d'étranger.
Son soin se borne à ne rien laisser perdre de ce qu'elle a reçu dès son origine.
Si l'on introduit de nouveaux dogmes, que faudra-t-il conclure? Que tous les saint des siècles antérieurs qui les avaient ignorés étaient dans l'erreur.
La vrai doctrine est celle qui est venue de nous; celle qui nous a été transmise et que nous n'avons point inventée; car nous sommes des disciples et non pas des maîtres.
Saint Vincent de Lérins
7- "Le peuple offrait de tout son cœur des offrandes volontaires à L'Éternel. " ( 2Chro., XXIX, 9)
Le Dieu dont l'amour qu'il nous porte ne connaît point de bornes dans sa clémence et ses bienfaits, épuise tous les moyens imaginables pour nous engager dans les voies de la sainteté.
Il veut nous accorder ses faveurs, mais il ne contraint, il ne violente personne. C'est par le seul mouvement de la persuasion, par l'attrait de ses bienfaits qu'Il appelle ceux qui consentent à aller à lui.
Il ne veut pas d'autres chaînes que celles de l'amour. Voilà pourquoi au moment où il a paru dans le monde, les uns l'ont reçu, les autres l'ont repoussé.
Il ne faut point de serviteur qui le serve malgré lui, à contrecœur; il n'admet prés de Lui que ceux qui le demandent, qui s'attachent à sa personne de plein gré, et Il lui rendent des actions grâces de cette douce servitude.
Les hommes qui ne peuvent se passer du secours de leurs semblables, ont des serviteurs qu'ils contraignent impérieusement à leur obéir, jusqu'à en faire des esclaves qui leur appartiennent: il n'en est pas ainsi de Dieu, parce qu'Il n'a besoin de personne et qu'Il se suffit à lui-même; tout ce qu'Il fait, Il le fait dans le seul intérêt de notre salut et laisse tout à notre libre arbitre, à notre volonté propre, sans jamais exercer aucune violence, sans avoir jamais d'autre mobile que notre bien.
Il est si éloigné de toute contrainte qu'Il ne ferait aucun cas d'un service où se prêterait sans se donner à Lui.
Saint Jean Chrysostome

8- "Où irai-je loin de ton Esprit? Où fuirai-je, loin de ta face?" (Ps. CXXXIX, 7)
Pensez-vous que nous aurions tant à cœur l'innocence et la pureté, si nous n'étions persuadés qu'un Dieu est témoin de toutes nos action?
Non sans doute; mais parce que nous sommes convaincus que nous rendrons compte de toutes nos œuvres au Dieu qui nous a crées, nous le monde, nous avons choisi un genre de vie méprisé de la multitude, mais plein d'humanité et de modération.

Nous ne craignons rien sur la terre, pas même la mort, persuadés que nous sommes que rien ne peut être comparé aux biens que nous recevrons dans le ciel des mains du souverain Juge, en retour d'une vie sage, employé à faire le bien.
C'est pourquoi nous méprisons cette vie passagère et ne tendons à la félicité éternelle que par la foi en un seul Dieu, en son Verbe divin.
Nous savons quelle est l'union du Fils avec le Père, quelle est la communication du Père avec le Fils, ce que c'est que le Saint-Esprit.
Nous savons aussi quelle est l'intime union des trois personnes, de l'Esprit, du Fils et du Père. Nous savons aussi que la vie que nous attendons est au-dessus de toute expression, que nous ne pouvons y arriver qu'en nous conservant purs et irréprochables.
Nous ne nous bornons pas non plus à n'aimer que ceux qui nous aiment. Nous épurons tous les jours notre vertu et nous vivons de manière à n'avoir rien à redouter du souverain Juge.
Athénagore d'Athènes
9- "Ce que nous serons, n'a pas encore été manifesté" (I Jean III, 2)
Comment l'homme qui n'a pas le pouvoir de se créer lui-même, pourrait-il s'égaler à Dieu? Comment cet être qui n'existait pas naguère, pourrait-il devenir tout-à-coup parfait?
Comment parviendra-t-il à l'immortalité, si, pendant sa vie mortelle, il n'a pas obéi à son Créateur?
Si nous sommes l'ouvrage de Dieu, abandonnons-nous à la main qui nous a formé et qui peut nous perfectionner, prêtons-nous à l'achèvement de son œuvre autan qu'il est en nous; gardons-lui un cœur docile et fidèle; ne défigurons point les traits qu'il nous a donnés; ne nous laissons point endurcir de peur que sa main nous trouve impropres à prendre une forme plus parfaite; ne gâtons pas par nos désobéissances le premier travail de Dieu.
Sa main nous a façonnés jusqu'à aujourd'hui, bientôt il nous oindra en dedans et en dehors, Il nous revêtira d'or et d'argent purs, et Il nous donnera une beauté si parfaite que les anges en seront jaloux.
Mais si résistant à sa main divine et endurcissant son cœur l'homme devient ingrat envers Dieu; Dieu deviendra dur envers l'homme et Il laissera là son œuvre imparfaite.

Il appartient à la nature bienveillante de Dieu d'agir sur ses créatures et il est de la nature de la créature de ne pas contrarier l'action de Dieu sur elle.
Si donc nous nous prêtons autant qu'il est en nous au travail de Dieu, par notre foi et notre soumission, Il fera de nous des créatures pleines de perfection.
Saint Irénée de Lyon
10- "Je vous montrerai qui vous devez craindre" (Luc., XII, 5)
Réfléchissez à ce qu'est Dieu, et à ce que sont les hommes. Cet homme dont vous redoutez l'opinion, c'est un pêcheur comme vous, soumis aussi bien que vous aux arrêts sévères de la justice divine.
Quel qu'il puisse être, ce n'est qu'un peu de cendre et de poussière, esclave de la vanité, qui n'a rien de juste dans ses jugements, et a besoin à tout moment que Dieu le redresse; ses suffrages ou ses critiques, son affection ou sa haine, ne se déterminent jamais que par son intérêt privé.
Il n'en est pas ainsi de Dieu. Nulle prévention dans ses jugements; la vérité en fait l'essence; c'est lui et non pas les hommes que vous devez écouter.
Auteur de votre être, Il réclame tous vos hommages. Miséricordieux et toujours prêt à vous pardonner, Il a droit à votre reconnaissance.
Père tendre, Il vous aime et bien plus que vous ne sauriez vous aimer vous-mêmes.

Pourquoi donc vous montrer si peu jaloux de sa bienveillance, et la sacrifier? à qui? à des hommes?
Mais l'homme est-il quelque chose? Est-il rien qu'inconstance et témérité? Ils vous accuseront d'être tout ce que vous n'êtes pas. Ils vous accorderont de belles qualités., si vous les avez, ne vous en glorifiez pas; l'orgueil vous les ferait perdre; si vous ne les avez pas, cette louange n'est qu'une méprisable flatterie dont vous devez être le premier à vous moquer.
Saint Jean Chrysostome
11- "Ne t'irrite point à cause de celui qui fait bien ses affaires à cause de dis-je de l'homme qui vient à bout de ses entreprises"
Ps. XXXVII, 7 )
Comme un feu caché sous la cendre l'envie couve au fond du cœur. Elle le dévore lentement jusqu'au moment où elle fait éruption au-dehors.
Et qu'est-ce qui la provoque?
La vue du succès et du bonheur d'autrui.
Oh! L'étrange crime! En vouloir aux hommes parce qu'ils ne sont pas malheureux!

Les haïr, non pas pour en avoir été offensé, mais parce qu'ils sont dans la prospérité!
Mais que vous ont-ils fait? Qu'avez-vous à leur reprocher?
Ils sont heureux; voilà leur crime.
Et pour cela vous vous rongez d'inquiétude; vous propres succès s'empoisonnent à vos yeux.
Tout prend autour de vous une couleur sombre: vous recueillez avidement tous les propos qui se débitent contre celui qui vous fait envie.
Vous n'écoutez qu'avec dépit ce qui se dit à son avantage. Avec de telles dispositions pourquoi cacher encore le venin qui vous dévore?
Vous couvrir du masque de l'amitié, lui adresser des paroles de paix, quand vous formez en secret contre lui des vœux homicides?
Ainsi Caïn, animé contre son frère Abel d'une fureur jalouse, parce qu'il était agréable au Seigneur, l'attire frauduleusement dans la plaine, loin de tout secours, pour mieux s'assurer de sa victime.
Que la paix règne dans vos cœurs!
Avec elle règneront aussi la charité, la joie, la bienveillance, la douceur, tous les biens.
Il n'y aura plus de combats entre la chair et l'esprit.
Vous verrez sans dépit la prospérité des autres.
Vous la rapporterez à Dieu, auteur et source de tous les biens.
Saint Grégoire de Nysse
12- "La loi de l'Eternel est parfaite. Elle donne la sagesse aux plus simples." (Ps, XIX, 8)
Combien le style de l'Ecriture la rend accessible á tout le monde, malgré des profondeurs que peu d'esprits peuvent pénétrer!
Dans ce qu'elle dit clairement, il semble qu'elle parle au cœur des plus simples aussi bien que des plus éclairés, comme un ami qui ne cherche qu'à se faire entendre à son ami, sans couvrir d'aucune image le sens de ses paroles.
Et même dans ce qu'elle cache sous des figures mystérieuses, elle n'emprunte pas ses expressions à ce qu'il y a de plus savant ou de moins connu, ce qui pourrait éloigner les esprits qui ont peu de lumière ou de l'érudition, comme l'éclat et la magnificence des riches font que les pauvres n'osent les approcher.

Ce qu'elle nous cache dans les passages obscurs n'est que ce qu'elle nous exprime clairement dans les autres; mais de peur que le peu que nous coûtent les vérités qu'elle nous apprend par de claires expressions, ne nous en fasse perdre le goût, elle le réveille en couvrant ailleurs ces mêmes vérités d'une obscurité que nous ne saurions nous empêcher de vouloir percer; et quand nous l'avons pénétrée, ce qu'elle nous cachait nous devient comme nouveau, quoique nous le sussions déjà, et cette sorte de nouveauté nous l'imprime davantage au fond du cœur.
Ainsi l'Ecriture par ses enseignements salutaires redresse les esprits qui s'égarent, nourrit et éclaire ceux qui manquent de lumière et fait les délices des plus instruits.
Il n'y a donc d'ennemis de cette céleste doctrine que ceux qui sont ou assez insensés pour ne pas comprendre combien elle est salutaire, ou assez malades pour l'avoir en répugnance.
Saint Augustin d'Hippone
13- "Dieu a répandu avec abondance sur nous les richesses de sa grâce." (Eph. I, 7 )
Dans les dons qu'il nous a fait, Jésus-Christ n'a point d'égal. Il est lui-même le principe et la source de tous les biens.
Il est la vie, la lumière, la vérité par essence. Il ne retient pas en lui-même les richesses de ses trésors; mais il les répand sur tous sans rien altérer de son inépuisable fond.
Il donne sans s'appauvrir; et quelle que soit la profusion de ses largesses, il demeure toujours dans une égale plénitude.
Ce que j'ai, moi, de biens, je l'ai reçu d'un autre; encore n'est-ce qu'une bien faible portion, une goutte d'eau, comparée à cette ineffable source, à cet océan immense.
Que dis-je! Ôter de la mer une goutte d'eau, c'est pour elle quelque chose de mois, bien que la diminution soit imperceptible; mais ici, quelque quantité que vous puisiez, la source est toujours la même, toujours entière.

Empruntons une autre image qui n'est encore qu'une approximation.
Supposons une fontaine de feu, d'où l'on allume mille, deux mille, trois mille flambeaux, et beaucoup plus encore; ce feu, après avoir communiqué à tant de milliers de flambeaux sa lumière et sa vertu, ne demeure pas moins tout ce qu'il était.
Sans doute, si une substance matérielle a la faculté de se diviser sans être altérée, à plus forte raison l'être incorporel, tout puissant, immortel.
Saint Jean Chrysostome
14- "Mes bien aimés, ne trouvez point étrange si cous êtes comme dans une fournaise pour être éprouvés, comme s'il arrivait quelque chose d'extraordinaire." ( I Pierre IV, 12 )
On s'étonne, on murmure que la souffrance n'épargne pas plus les fidèles serviteurs de Dieu que les impies.
Le chrétien pourrait-il avoir la prétention d'être ici-bas exempte de tout mal, de goûter à son aise les jouissances du siècle, sans payer tribut à ses adversités pour être ensuite admis au bonheur céleste?
Mais que peut-il y avoir dans le monde qui ne soit commun avec tous ceux qui l'habitent, tant que nous participons avec eux à la même chair?
Nous sommes rapprochés par la souffrance de tout le reste du genre humain; ce qui nous en sépare, c'est l'esprit qui nous anime.
Jusqu'au moment où cette chair corruptible se revêtira de l'incorruptibilité, que ce corps mortel recevra l'immortalité, et où Jésus-Christ nous introduira près de Dieu son Père, il faut que tout ce qui fait l'apanage de l'humanité n'admette aucune exception.
Qu'une irruption soudaine mette la ville au pouvoir de ses ennemis, le fléau de la captivité pèse sur tous les habitants; que les nuages suspendus dans l'air refusent d'épancher leurs ondes, la sécheresse se fait sentir à tous; qu'un vaisseau se brise contre les rochers, tout ce qu'il portait fait également naufrage.

Nous ne sommes pas plus épargnés que les autres, par cela même que nous sommes hommes.
Il y a plus; le chrétien, qui sait à quelle condition il l'est, n'ignore 0as qu'il ne doit s'attendre à d'autre privilège qu'à souffrir davantage dans le monde, à raison du plus grand nombre de combats qu'il a à soutenir contre le démon.
Nos saintes Ecritures n'ont pas manqué de nous avertir.
Les Apôtres nous ont appris, par leur exemple, à ne jamais murmurer dans l'adversité, mais à recevoir avec résignation et à supporter avec courage tout ce qui peut nous arriver de fâcheux dans le cours de notre vie mortelle.
Saint Cyprien de Carthage
15 - Gloires de Marie "Ad te clamamus , exules filii Evae"(Enfants d'Ève, pauvres exilés, nous crions vers vous)
La multitude même de nos péchés ne doit pas diminuer en nous la confiance d'être exaucés de Marie, quand nous irons jeter à ses pieds: elle est Mère de miséricorde; or, la miséricorde resterait sans emploi, si elle ne trouvait des misères à soulager.
Une bonne mère qui verrait son enfant infecté de la lèpre, ne saurait lui refuser ses soins, bien qu'il lui en coutât beaucoup de peines et de dégoûts; et, quand nous réclamons les soins de Marie, elle ne saurait nous repousser, si grande que soit l'infection des péchés dont nous sollicitions la guérison; elle n'a pas oublié, ajoute Richard, que c'est en faveur des pécheurs qu'elle est devenue la Mère d'un Dieu qui est la miséricorde en personne.
Et tel est précisément le sens d'une vision dont fut favorisée sainte Gertrude; elle voyait la glorieuse Vierge ouvrant son manteau comme pour donner asile à tous ceux qui voulaient se réfugier auprès d'elle.
La Sainte comprit en même temps que les anges sont attentifs à défendre les pieux serviteurs de leur Reine contre les attaques de l'enfer.
Saint Alphonse de Liguori "Gloires de Marie"

16- "Si quelqu'un n'a point l'Esprit de Christ, il n'est point à Christ." (Rom. VIII, 9 )
"Tous ceux qui me disent, Seigneur, Seigneur, n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seulement qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux."
Tous ceux qui disent à Jésus-Christ: je suis à toi, ne sont pas pour cela siens. Vous êtes réellement à moi, dit le Sauveur, si votre conscience ne dément pas vos paroles, si vos affections et vos œuvres s'accordent vos paroles , si vos affections et vos œuvres s'accordent avec vos discours.
Celui-là est à moi et je ne le désavoue point, qui comptant pour rien tous les autres intérêts, renonce à lui-même pour l'amour de mon nom.
Je ne veux pas d'un cœur qui sert toute espèce de maîtres.
Pourrais-je reconnaître pour être à moi celui qui dit bien m'appartenir, mais qui, par ses actions, s'est engagé au démon?
On n'est point à moi quand on brûle de feux impurs; car je suis la Dieu de la sainteté.
On n'est point à moi quand on a le cœur dévoré par la passion de l'avarice et qu'on dépouille impitoyablement le pauvre; car je suis le Dieu équitable.,
On n'est point à moi quand on s'abandonne aux mouvements de la colère; car je suis doux et humble de cœur.
Je suis le Dieu de paix, je ne connais point les disputes. On n'est point à moi quand on se livre aux excès de l'intempérance, aux recherches de la vaine gloire.

Qu'y a-t-il de commun entre moi et l'esclave du démon, entre moi et un homme duquel Satan pourra dire: il m'appartient, il s'est prosterné devant moi, il porte le nom de chrétien, mais ses œuvres attestent qu'il est à moi!
Saint Ambroise
17 -"Jusques à quand aimerez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge? ( Ps. IV, 3 )
Vous croyez que la vie, les plaisirs, quelque ombre misérable de gloire et de puissance, le faux éclat des prospérités humaines soient quelque chose de bien désirable: apprenez à les mieux connaître.
Sont-ce là des biens qui appartiennent à ceux qui en jouissent?
Non, pas davantage qu'à ceux qui les avaient espérés; pas plus qu'à ceux qui ne s'étaient jamais attendu à les posséder.
Semblable à une vaine poussière que le vent dissipe, ils passent à celui-ci, à celui-là pour se dissiper bientôt avec la rapidité de la fumée ou d'un songe illusoire qui s'évanouit au moment du réveil, fantôme qui échappe à la main qui va le saisir.
Tant qu'on ne les a pas, on les espère; à peine on les a, qu'on tremble de les perdre.
N'apprendrons-nous donc jamais à connaître les vrais biens? Quoi! Pas un regard, pas une pensée vers le ciel où réside la solide gloire et la vrai richesse, celle qui ne passe point; la vrai félicité qui ne finira point et que rien ne menace!
Quoiqu'il en dût coûter, un tel bien ne mérite-t-il pas qu'on l'achète, même au prix des plus grands sacrifices?
S'il est des plaisirs que nous eussions espérés dans ce monde, n'en est-ce pas un que de prétendre à ceux de la vie future?
Tenons ferme comme ont tenu ferme les glorieux confesseurs de Jésus-Christ.
Saint Grégoire de Nazianze

18- "Leur part sera dans l'étang ardent de feu et de soufre, ce qui est la seconde mort." ( Apoc. XXI, 8 )
Ecoutez, ô vous dont le cœur est brûlé par des flammes impures, écoutez, vous tous qui vivez dans le péché.
Toutes les fois qu'une parole obscène ou déshonnête viendra se présenter sur vos lèvres rappelez-vous ce grincement de dents dont l'Evangile vous menace; et la pensée de l'enfer sera un frein qui vous arrêtera.
Montez au Calvaire; voyez tout ce vous avez couté à Jésus-Christ, pour vous arracher à la mort éternelle et pensez aux conséquences terribles qu'entraînerait votre ingratitude.

Que la tentation du bien d'autrui se réveille en vous, pensez à cette effroyable sentence du Juge: "liez-le pieds et mains et jetez-le dans les ténèbres de dehors;" et votre avarice s'amortira.
Vous êtes livré à l'intempérance, écoutez le mauvais riche crier des enfers: "Père Abraham, envoie Lazare afin que du bout de son doigt il rafraîchisse ma langue;" cette salutaire pensée vous ramènera à la sobriété.
Vous recherchez les plaisirs et les délicatesses, représentez-vous cette éternité, ces angoisses; et vous renoncerez à vos sensualités.
L'amour de l'argent ferme vos mains et votre cœur aux supplications du pauvre: entendez les vierges folles demander vainement qu'on leur ouvre la porte du festin nuptial.
Pensez, pensez tous à ce ver qui ne meurt point, à ce feu qui ne s'éteint point, et vous ne trouverez plus ni le péché si invincible, ni les commandements de Dieu si difficiles.
Point de sacrifice qui doive vous coûter pour être un jour avec Jésus-Christ dans la gloire.
Saint Jean Chrysostome
19- "Les jours des années de ma vie ont été courts et mauvais." ( Gen. XLVII, 9 )
Cette misérable vie est sujette à mille maux capables de la détruire: tout y est incertain, excepté les peines qu'on rencontre.
Ce n'est qu'iniquité; les méchants y sont les maîtres, les superbes y dominent; elle est exposée à tant d'erreurs et de misères que c'est bien moins une vie qu'une véritable mort.
Nous nous voyons tous à chaque instant mourir d'autant de morts différentes, que nous sommes sujets à de différents changements.
Est-ce une véritable vie? Les douleurs l'exténuent, les chaleurs la dessèchent, l'excès de nourriture la surcharge, les jeûnes l'épuisent, les plaisirs l'affaiblissent, mille soucis la consument, mille soins la tourment, l'inaction l'engourdit.
Qu'est-ce que cette vie où la prospérité ne fait qu'enfler le cœur, l'adversité le resserrer; où la jeunesse n'est que témérité et qu'inconstance, la vieillesse que pesanteur et qu'assoupissement; où mille infirmités nous accablent; où mille chagrins nous dévorent; où, pour comble de maux, nous sommes sujets à la mort qui nous enlève avec tant de rapidité à cette misérable vie et à ses faux plaisirs, qu'à peine cessons-nous de vivre qu'il ne semble seulement pas que nous ayons vécu?
Et quoique vie mourante ou plutôt cette mort vivante ne soit pleine que d'amertumes, , combien, hélas! S'en trouve-t-il encore qui, charmés de ses fausses douceurs, se laissent misérablement séduire jusqu'à s'enivrer du breuvage empoisonné qu'elle leur présente sans cesse dans une coupe d'or!
Saint Augustin

20 - Heureux l'homme qui craint l'Eternel et qui prend tout son plaisir dans les commandements de Dieu." ( Ps. CXII, 1 )
Le chrétien ne se laisse point abattre par les infirmités, ni ébranler par les contradictions.
Au sein même de la souffrance, il est encore heureux.
Il sait bien que le bonheur ne consiste point dans les jouissances des sens, mais dans le calme d'une conscience pure et sans reproche; que la vertu, même avec ses sacrifice, est une source de félicité, tandis que le vice, de même avec ses charmes, ne mène pas au bonheur.
Il n'y a rien pour lui ni de nouveau, ni d'imprévu, ni de violent.
Celui qui possède le vrai bien, qui est Dieu, ne redoute ni la privation des autres biens, ni la présence des maux.
Dira-t-on pour cela qu'il soit insensible? Non; mais il est au-dessus des maux de la vie.
Son bonheur n'est altéré ni par les douceurs de la prospérité, ni par les assauts de l'adversité.
L'une n'ajoute rien à sa béatitude, l'autre n'en retranche rien; parce que le bien suprême où s'est retranché le laisse ferme et inattaquable.
A la hauteur où il est parvenu, rien de ce qui est caduc ou périssable ne peut être pour lui un sujet de joie, d'affliction.

En effet, que pourrait-il manquer à cette âme héroïque, qui s'est emparée du souverain bien?
Dans quelle situation ne sera-t-elle point invulnérable?
Elle est riche au sein de la pauvreté; noble dans l'obscurité d'une condition misérable; active au sein du repos; forte et seine dans les langueurs de la souffrance; elle n'est pas seule dans la solitude car elle a pour escorte et pour société habituelle les chœurs célestes.
Saint Amboise
21- "Se rendre attentif à la voix de Dieu vaut mieux que la graisse des moutons."
( Sam. XV, 22 )
C'est une plainte assez ordinaire que tant qu'on est à l'Église, attentif à la parole du salut, on ne se sent recueilli, pénétré d'une componction secrète; mais hors du lieu saint, la ferveur s'éteint.
Comment prévenir un aussi grand mal? Et d'abord qu'elle en est la cause?
L'habitude de dissipation où on vit, le commerce toujours si dangereux des hommes vicieux.
On ne sort du temple que pour se retrouver dans leur compagnie; et leurs conversations font vite perdre de vue les salutaires instructions que l'on venait de recueillir.
On éviterait cet écueil si de retour chez soi, réuni à la famille, le livre des saintes Ecritures à la main, on revenait sur ce qui vient d'être entendu, pour le méditer ensemble, et après cela reprendre le soins de ses affaires domestiques.
Est-ce là exiger rien de trop? Au sortir du bain, vous ne manquez pas de prendre les précautions que vous savez nécessaires pour n'en pas contrarier l'effet; la parole sainte ne vaut-elle donc pas une attention aussi sérieuse?
Mais non, c'est un torrent d'affaires qui vient vous assaillir, et emporte les faibles semences déposées dans votre cœur.
Un seule jour de la semaine donné tout entier à ce pieux exercice, est-il regrettable, quand d'ailleurs vous consumez tant d'autres jours à la recherche des sciences ou à des trésors périssables?

L'étude personnelle que vous aurez faite de nos saintes Ecritures, vous rendra bien plus facile l'intelligence de ce que nous vous en apprenons dans les courts moments donnés à leur explication et les fixera bien plus avant dans votre mémoire.
Ne négligez donc pas le trésor des Ecritures, qui est bien supérieur aux pierreries les plus riches.
Saint Jean Chrysostome
22- "Heureux le peuple duquel l'Eternel est le Dieu." ( Ps. CXLIV, 15 )
Si Dieu était généralement honoré et serve ici-bas, il n'y aurait plus parmi les hommes de dissensions, ni de guerres; car ils sauraient, mieux encore ils sentiraient qu'ils sont tous les enfants d'un même père.
Il n'y aurait plus de pièges tendus à la bonne foi, plus de fraudes; car ils songeraient aux châtiments terribles que la justice divine tient en réserve pour les coupables, elle à qui rien n'échappe, pas même les secrètes pensées.
Les hommes se bornant à l'usage de ce qui leur appartient, préféreraient à des richesses périssables les biens qui subsistent éternellement.
Il n'y aurait plus de voluptés coupables, plus de ces infamies qui souillent le monde, si la société tout entière suivait l'exemple que lui donnent aujourd'hui les fidèles.
Ce serait l'âge du bonheur, de la paix, de la tendre commisération, du support mutuel, de la justice, de la tempérance.
Dans cet heureux état de choses, on n'aurait besoin ni de ces codes si divers, si multipliés, qui régissent les hommes; ni de prisons et de châtiments pour contenir ou réprimer le crime, puisque la loi de Dieu suffirait à tout, et que sa douce influence, pénétrant le cœur, se répandrait dans la conduite de chacun.
Avec l'oubli de Dieu sont venus tous les maux qui ont désolé la terre.

Les hommes ont perdu de vue qu'ils étaient tous les enfants d'un même père: de là les désordres sans nombre qui se sont introduits dans la société.
C'est une même loi qui enchaîne l'homme à son Dieu et à ses semblables.
Lactence
23 -"Il n'y rien de caché qui ne doive être découverte, ni rien de secret qui ne doive être connu."
L'exécution du jugement sera précédée de la manifestation des consciences qui sera faite aux yeux de l'univers tout entier.
Quelle confusion à ce moment où nos iniquités secrètes seront toutes révélées au grand jour!
Ceux qui m'admirent aujourd'hui parce qu'ils ne me connaissent pas, me voyant alors tel que je suis, changeront de langage; ils s'étonneront de leurs illusions et deviendront mes accusateurs.
Que deviendrai-je alors que le Juge sévère prononcera le terrible arrêt qui me fermera les portes de béatitude céleste?
Oh! Pourquoi suis-je venu au monde?
Occupé de ces tristes réflexions j'ai tout-à-coup senti naître dans mon cœur une pensée qui est venue relever mon courage.
Au moment où je me laissais aller au désespoir j'ai vu sortir, comme d'une retraite profonde la repentance qui s'approchant de mon oreille avec un visage plein de douceur m'a adressé ces consolantes paroles:
"Bannis ce sombre chagrin. Le Seigneur est bon et miséricordieux. Plein de joie de ta conversion, il sera le premier à t'ouvrir les bras pour te recevoir. Quelques grandes que soient tes iniquités, sa clémence est mille fois plus grande. Tu es sûr d'obtenir la grâce d'un Dieu Sauveur qui a donné sa vie pour toi."
Saint Ephrem de Syrie

24- "Je suis l'Eternel, il n'y a point d'autre. Il n'y a point d'autre Dieu que moi." ( Ps. XLV, 5 )
Tous les objets de la création, malgré leur nombre et leur variété, se trouvent tous en rapport et en harmonie avec un même tout; tandis que si on les considère séparément et en les comparant les uns aux autres, ils paraissent contraires et opposés entre eux: c'est ainsi que les sons divers d'une harpe, mariés ensemble, produisent une agréable harmonie.
Mais celui qui sera charmé par ces sons divers n'ira pas dire que chacun d'eux, parce qu'il diffère des autres, est produit par plusieurs musiciens; il sait que c'est la même main qui fait vibrer ces sons, depuis les plus aigus jusqu'aux plus graves.
Ainsi, dans les variétés infinies des œuvres de la création, tout tend à démonter un même Créateur qui a tout fait dans sa sagesse et dans sa bonté infinie.

C'est donc à nous qui jouissons de cette harmonie de la création, à louer et à glorifier celui qui en est l'auteur, admirable également dans les choses les plus petites comme dans les plus grandes; c'est ainsi que nous nous élevons par l'admiration et la reconnaissance, jusqu'à l'hauteur de toutes ces choses.
Que s'il nous arrive de ne pouvoir comprendre cette raison suprême qui a tout créé, nous devons réfléchir que l'homme est infiniment au-dessous de Dieu, qu'il ne peut par conséquent être égal à Dieu, que son intelligence finie et bornée ne saurait ni concevoir, ni comprendre toutes choses; privilège qui n'appartient qu'à Dieu.
Et en effet, comment l'intelligence de l'homme, qui est un être crée, et qui ne vit qu'un jour, comment pourrait-elle égaler l'intelligence de celui qui est incréé, qui est sans commencement et toujours le même?
Ne tombe pas dans la folie de croire que tu es plus grand et que tu vaux mieux que ton Créateur.
Saint Irénée de Lyon
25- "Je bénirai l'Eternel en tout temps, sa louange sera toujours dans ma bouche." ( Ps XXXIV, 2 )
Je ne penserai jamais, dit le prophète, qu'aucun succès doit dû à ma prudence et à mes précautions, ni que rien de ce qui m'arrivera provienne d'un pur hasard et d'une rencontre fortuite; mais je bénirai le Seigneur en tout temps, non-seulement dans les prospérités de la vie, mais encore dans les jours de malheurs.
Souvenez-vous de Saint Paul: son cœur ne se révolte point contre la continuité de ses maux.
Au milieu de ses épreuves, quand il se voyait non seulement chassé de sa patrie, privé de la vue de ses parents et de ses amis, mais encore qu'en s'étant jeté par nécessité entre les mains de ses ennemis, il se voyait à la veille d'être mis en pièces par des hommes qu'il savait pleins de haine, il ne dit point: jusqu'à quand cette continuité de maux?
Il ne se révolte point contre la prolongation de la tribulation sachant bien "que l'affliction produit la patience, et la patience, l'épreuve, et l'épreuve l'espérance."

C'est que, pour ceux qui sont bien préparés, les tribulations sont réellement comme une nourriture, comme une suite d'exercices gymnastiques.
Elles font marcher, à grands pas, le combattant vers la gloire éternelle, lorsque nous savons répondre aux injures par des bénédictions, à la calomnie par la prière, aux mauvais traitements par des remerciements, et que nous glorifions dans la tribulation; car, il est honteux lorsqu'on rend grâces pour les bons succès, de rester ensuite muet dans les circonstances fâcheuses et pénibles.
C'est alors au contraire qu'il faut redoubler ses actions de grâces, puisque nous savons que le Seigneur "châtie ceux qu'il aime et qu'il frappe de ses verges qu'il reconnaît pour ses enfants."
Saint Basile
26- "Etudiez-vous à affermir votre vocation et votre élection; car en faisant cela vous ne broncherez jamais." ( 2, Pierre, I, 10 )
Qu'est-ce que peut souhaiter dans le monde celui qui est plus grand que le monde?
Et quelle situation heureuse et tranquille n'est-ce pas que d'être sorti des pièges du siècle, et de contempler avec un œil pur la céleste et immortelle lumière!
Or, afin d'arriver à cette vie, il n'est besoin ni d'argent, ni de faveur, ni de crédit.
C'est un don gratuit de Dieu, et une acquisition très aisée. En effet, le Saint-Esprit se répand comme le soleil répand ses rayons, comme une fontaine répand ses eaux, comme le ciel verse les pluies.
Après qu'une âme a connu son Créateur, elle commence à être effectivement ce qu'elle doit être.
Quant à vous qui êtes déjà enrôlés dans l'armée céleste, prenez garde seulement de conserver inviolables les lois de cette milice spirituelle et de vous affermir de plus en plus dans la vertu.
Priez et lisez sans relâche. Tantôt parlez à Dieu et tantôt que Dieu vous parle.
Qu'il vous instruise de ses préceptes et vous forme. Celui qu'il aura enrichi ne deviendra jamais pauvre. On ne doit plus appréhender l'indigence, lorsqu'on a été une fois comblé des biens célestes.

Vous n'aurez plus que du mépris pour ces lambris dorés, pour ces parvis de marbre et de jaspe, lorsque vous penserez que c'est vous-même qu'il faut orner, parce que vous êtes la maison dont le Seigneur fait son temple et où le Saint-Esprit a commencé d'habiter.
Que l'innocence pare donc cette maison et que la justice l'éclaire. Jamais elle ne tombera en ruines par l'effort du temps et le temps non plus n'en pourra altérer la beauté.
Saint Cyprien de Carthage
27- Que tout ce qui respire loue l'Eternel! Louez l'Eternel. ( Ps. CL, 6 )
Notre vie ne doit être qu'une louange continuelle de Dieu, un alléluia éternel.
Et n'imaginez pas que les saints puissent trouver du dégout dans cette unique occupation. Si l'on pouvait cesser d'aimer Dieu, on cesserait aussi de le louer.
Mais l'amour étant éternel, parce qu'on ne se peut jamais rassasier de la bonté de Dieu, ne craignez pas de pouvoir jamais cesser de louer celui que vous ne cesserez jamais d'aimer.
Je te louerai, ô mon Dieu, durant ma vie entière. Je te louerai dans la prospérité, parce que c'est toi qui me l'envoies pour ma consolation.
Je te louerai dans l''adversité parce que tu sers d'elle pour me corriger. Je te louerai du temps où je n'étais pas encore parce que c'est toi qui m'as sorti du néant.
Je te louerai du temps où j'ai commencé d'être parce que j'ai reçu alors de toi ta grâce salutaire. Je te louerai de mes péchés passés, parce que tu me les as miséricordieusement remis.
Je te louerai de ma conversion, pare que tu m'as assisté dans ce grand ouvrage. Je te louerai aussi dans ma persévérance, car elle vient de toi et c'est là le couronnement de tes dons.
Saint Augustin

28- Si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner. ( 1 Jean I, 9 )
La confession publique des nos fautes, est un exercice qui tend à humilier l'homme, à l'anéantir, à faire un objet de pitié qui désarme la justice de Dieu et provoque sa miséricorde.
Redouteriez-vous la honte de cette humiliation? Mais ces frères devant qui vous vous accusez, ils ont avec vous une même espérance, une même joie, une même tristesse, par l'Esprit qui nous unit tous dans le même Père.

Les croyez-vous d'une autre nature que vous? Leur jugement vous fait peur. Ne sont-ils pas des hommes comme vous? Ne partagent-ils pas de vos faiblesses?
Membres du corps dont vous faites partie, p0ouvez-vous être en souffrance, sans que tout le reste ne souffre.
Quand vous vous humiliez en présence de vos frères, vous n'êtes pas seul; l'Église tout entière et Jésus-Christ sont avec vous.
L'Église et le Sauveur prient avec vous et pour vous.
Jésus-Christ pleure même avec vous, demandant à son Père de vous faire grâce. Un Père sait-il rien rien refuser à son Fils?
Ainsi en abattant l'homme, la repentance le relève; en l'accusant, elle le justifie; en le condamnant elle l'absout.
Dans la même mesure où les pécheurs se montrent les censeurs de leurs vices, Dieu se relâche également de la sévérité de ses jugements.
Tertullien de Carthage
29- L'éternel a préparé un trône pour juger, il jugera le monde avec justice. ( Ps. IX, 7, 8 )
Pécheur, ajoute terreur à terreur, et gémissements à gémissements: tu auras pour juge en ce dernier jour, celui contre qui est dirigé tout acte de désobéissance, toute prévarication de l'homme pécheur, celui qui t'a rendu mille fois le bien pour le mal et à qui tu n'as en retour rendu que le mal pour le bien.
Maintenant il est la patience même; alors ce sera le plus redoutable maître. S'il le traite ici bas avec une clémence infinie, il ne laissera plus agir alors envers toi que sa justice.
-Malheureux! malheureux! contre qui ai-je péché? Ah! c'est Dieu lui-même que j'ai voulu dépouiller de sa gloire; c'est le Tout-Puissant que j'ai osé défier.
Où me cacherait-je? Comment oserai-je paraître? Qui m'arrachera à la main vengeresse de Dieu? Qui m'aidera de ses conseils? Qui viendra me sauver? Où est celui qui est appelé "l'Ange du grand conseil", qui est appelé le Sauveur, afin que je l'appelle de toutes mes forces à mon secours?
Ah! Je l'entends, c'est lui, c'est lui-même; c'est Jésus qui est mon juge. A ce nom tout pécheur que je suis je respire. Non je ne veux plus désespérer. Je vole me jeter dans les bras du Sauveur Jésus: ô Jésus, à cause de ce nom si doux que tu portes, sois mon libérateur.
Oublie l'orgueilleux pécheur qui t'a provoqué pour ne plus voir que le pécheur pénitent qui t'invoque. De quelle utilité serait-il pour toi de me laisser périr et de me laisser descendre dans l'éternelle demeure du péché?
Saint Anselme "le Docteur Magnifique"

30- "Il n'y a rien sur la terre qui puisse être comparé à l'Eternel." ( Job, XLI, 24 )
Je m'étais flatté de l'espérance que je pourrais avoir une connaissance claire de la divinité.
Plein de confiance, je me suis élancé vers la montagne, j'ai pris mon essor vers la nue inaccessible; j'ai franchi la matière et tous les objets sensibles, m'isolant de tout ce qui est humain, et mes yeux, comme ceux de Moïse, ont pu à peine entrevoir la divinité.
Cette première et pure nature, que les chérubins ombragent de leurs ailes, a fui à mes regards.
Il ne m'a été donné de la découvrir que dans les faibles rayons qui s'en détachent et qui font sentir sa majesté dans les œuvres de la création, et dans le gouvernement de ce monde.
Seriez-vous un Saint Paul, ravi jusqu'au troisième ciel qu'il existera toujours un intervalle immense entre vous et Dieu.

Il n'y a aucune proportion entre le Créateur et la créature. S'il est difficile de connaître Dieu, il est plus difficile encore d'expliquer ce qu'il est. Point de termes dans le langage humain qui puissent l'exprimer; point d'intelligence qui puisse le concevoir.
Je doute même que les esprits célestes, quoique dégagés de la matière, voyant Dieu de plus près et tout resplendissants de la lumière qu'il leur communique, connaissent parfaitement l'essence divine.
Si d'après saint Paul, la paix de Dieu dépasse la mesure de notre intelligence, de même aussi les promesses que Dieu a faites à ceux qui le servent, sont au-dessus de tout ce qu'il est possible d'imaginer.
Les dons de Dieu sont en rapport avec sa grandeur infinie.
Saint Grégoire de Nazianze
31- "L'orgueil va au-devant de l'écrasement." (Prov. XVI, 18 )
L'orgueil est une véritable démence. Si le premier pas vers la sagesse est de reconnaître le Seigneur et de le craindre, le dernier degré de la folie est de le méconnaître et de se préférer à lui.
La folie qui affecte le corps fait que l'on ne se connaît plus soi-même, ni rien de ce que l'on a sous les yeux, mais du moins on plaint cette folie parce qu'elle est involontaire, tandis que les orgueilleux sont l'objet de la haine et du mépris général.

Ils ont beau marcher tête levée, toucher la terre, et ne laisser tomber autour d'eux que des regards insultants. Hélas! mon ami, vous affectez de paraître un prodige, quelque chose d'extraordinaire.
Vous l'êtes; car cette orgueilleuse démence est en effet quelque chose de monstrueux. De quel nom faut-il donc vous appeler?
Dirai-je que vous n'êtes rien que cendre et poussière; qu'une vapeur d'un moment, que de la boue; c'en est assez sans doute pour manifester votre néant: ce n'est pas encore assez pour le bien exprimer.
Vous êtes moins encore que tout cela.
Votre hauteur, on la prend pour de la force, elle n'est que faiblesse: plus on s'enfle, plus on touche à sa ruine, semblable à ces globules d'eau qui crèvent, en grossissant.
Saint Jean Chrysostome
32- "La nuit est passée et le jour est approché, rejetons donc les œuvres de ténèbres." ( Rom. XIII, 12 )
Deux voies bien différentes s'ouvrent devant l'homme, celle de la lumière et celle des ténèbres; à l'une président les anges de Dieu, à l'autre ceux de Satan.
Dieu est le souverain maître des siècles; Satan le prince de ce temps d'iniquités. Comment marcher dans la voie de la lumière.

Vous aimerez Dieu qui vous a fais; vous glorifierez celui qui vous a rachetés de la mort. Vous serez simples de cœur et riches d'esprit. Vous aurez l'hypocrisie en horreur.
Soyez humbles, ne vous attribuez aucune gloire, ne corrompez point l'enfance qu'il ne sorte de votre bouche aucun mot impur. Soyez doux et paisibles, aimez votre prochain plus que vous-mêmes.
Veillez sur votre fils ou votre fille. Que votre cœur ne s'attache pas aux grands; recherchez plutôt les justes et les humbles. Ne soyez ni inconstants, ni double en paroles: la duplicité est un piège qui conduit à la mort.
Aimez à vous trouver parmi les fidèles, consolez-les par vos discours et par vos visites, étudiez-vous à sauver les âmes. Donnez sans hésitation et sans murmure. Confessez vos fautes, ne vous présentez pas devant le Seigneur avec une conscience coupable.
Telle est la voie de la lumière; la voie des ténèbres et de l'aveuglement est oblique et pleine de malédiction; elle est le chemin du châtiment et de la mort.
Ceux qui suivent cette voie haïssent la vérité, aiment le mensonge, ils refusent de rendre justice à la veuve et à l'orphelin. La patience et la douleur sont loin d'eux.
Il ne consultent que l'intérêt. Ils n'ont aucune pitié des malheureux et ils se mettent peu en peine de ceux qui souffrent. Ils écrasent l'affligé. Défenseurs complaisants du riche, juges iniques du pauvre, ils sont de tous les crimes.
Epître dite de Barnabas
33- "Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché, de la Parole de vie, c'est ce que nous annonçons." ( 1, Jean, I )
Pour se faire des disciples, Jésus-Christ ne s'est servi ni de l'opulence qui paie les flatteurs, ni d'aucun des artifices ordinaires à l'imposture: il ne s'est montré que comme le docteur d'une religion, d'une science toute divine qui apprend à obtenir les faveurs du ciel.
Si donc ses disciples n'avaient pas été les témoins de sa résurrection et des miracles qui l'accompagnèrent, s'ils n'avaient pas été pleinement convaincus de sa divinité, se seraient ils exposés à des dangers qui les menaçaient de la même mort que leur maître? Auraient-ils tout bravé pour prêcher la doctrine de Jésus-Christ?

Pour peu qu'on examine les choses de sang-froid, personne au monde n'imaginera que les apôtres aient choisi à dessein un genre de vie errante et vagabonde, pour se faire les prédicateurs d'un Dieu crucifié, sans la ferme confiance que leur Maître seul pouvait leur donner, qu'ils étaient obligés de vivre selon les préceptes de l'Evangile et d'inviter les autres à les suivre également.
Car en cherchant à établir de nouveaux dogmes, ils ne pouvaient que s'attirer la haine de tous et courir au-devant de la mort.
Croira-t-on qu'ils fussent assez aveugles pour ne pas voir à quel dénouement allait aboutir leur prédication, le fait d'annoncer au monde qu'un crucifié s'était dévoué pour le salut du genre humain?
Non, mais instruits par Dieu lui-même des vérités qu'ils annoncent, ils ne peuvent pas ne pas prêcher l'Evangile, se faire les hérauts de la religion de Jésus-Christ.
Origène Adamantius
34- "Quiconque ne fut pas écrit au livre de vie, fut jeté dans l'étang de feu." ( Apoc, XX, 15 )
Vous direz peut-être: quelle proportions y a-t-il entre un péché d'un moment et un châtiment qui ne finit point? Je vous répondrai: Là où Dieu agit, adorons et ne soumettons pas sa conduite à nos raisonnements humains.
Que s'il fallait toutefois prononcer selon les règles de la justice, je vous demanderais en quoi la justice de Dieu peut être compromise de punir avec cette rigueur des coupables qui, prévenus et comblés de tant de biens, se sont exposés d'eux-mêmes à la punition dont ils étaient menacés, sans que ni la crainte du supplice, ni la reconnaissance des bienfaits aient pu les contenir.
Vous nous parlez de justice, mais si Dieu n'eût écouté que la sienne, dès le premier crime où nous tombâmes, elle semblait l'obliger à se venger en nous punissant.
Sa justice! Mais non seulement la justice, sa bonté elle-même étaient intéressées à nous punir aussitôt. Elle (sa bonté) nous eut épargné les péchés et avec eux, les châtiments depuis accumulés par une impunité dont nous n'avons fait qu'abuser.
Punir un outrage à quoi rien n'avait donné lieu, c'est une réparation que la justice réclame.

Mais l'ingratitude qui s'attaque, et par des manquements journaliers, à un bienfaiteur prodigue de ses dons, sans qui l'on n'existerait pas, et de qui l'on avait à attendre de nouveaux bienfaits plus magnifiques encore, est-il crime plus monstrueux et plus impardonnable?
Rappelez-vous l'histoire de notre premier père. Adam ne connut qu'un seul péché. Vous savez comment il fut puni.
Saint Jean Chrysostome
35- "Recommande aux riches de ce monde de ne point mettre leur confiance dans l'instabilité des richesses." ( Tim. VI, 17 )
Dieu appelle au salut les riches comme les pauvres: le riche n'est pas coupable de ce que Dieu, maître et arbitre de toutes choses, l'a fait naître au sein de l'opulence; de ce que son travail et son économie lui ont acquis les moyens d'une subsistance honorable.
S'il en était ainsi il faudrait s'en prendre à Dieu même; qu'avait-il besoin de remplir la terre de richesses, si elles sont si dangereuses et qu'elles engendrent la mort?
Que le riche ait sur lui-même assez force pour commander à ses richesses, et non pour en être commandé; qu'il soit humble, modeste, sobre, entièrement occupé du soin de plaire à Dieu et de soulager ses frères dans l'indigence.
Celui qui est pauvre au milieu de l'abondance, jouit d'une grande liberté, mais le riche qui ne sait pas être généreux, c'est pour lui que Jésus-Christ a dit: "il est plus difficile à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu qu'à un chameau de passer par le trou d'une aiguille."
Notre Sauveur veut que nous nous sacrifions les uns pour les autres, comme il s'est sacrifié pour nous. Si nous devons immoler pour nos frères, et si nous avons fait ce pacte avec notre Rédempteur, pouvons-nous avoir encore de l'attachement pour des richesses qui nous sont étrangères, pour des biens qui nous échappent si vite?
Combien saint Jean a raison de dire que celui qui n'aime pas son frère pour le secourir ne participe point à la charité de Jésus-Christ, qu'il n'a point l'espérance des biens éternels, que toutes ses œuvres sont stériles et mortes!
Clément D'Alexandrie

36- "Puisque nous avons un grand et souverain sacrificateur, Jésus, le Fils de Dieu, qui est entré dans les cieux, demeurons fermes dans notre profession." ( Héb. IV, 14 )
Nous sommes placés sous les regards du Seigneur notre Dieu, et nous devons tous paraître devant le tribunal de Jésus-Christ, où chacun rendra compte pour soi-même.
Servons donc le Seigneur avec crainte et respect, ainsi qu'il nous ordonne, ainsi que l'ont prescrit les Apôtres qui nous ont prêché l'Evangile, et les prophètes qui nous ont annoncé à l'avance la naissance du Sauveur.
Ayons une sainte émulation pour le bien, évitons les scandales. Quittons les folies, les fausses doctrines de plusieurs pour revenir à ce qui fut enseigné dès le commencement.

Ne perdons jamais de vue l'objet de notre espérance, le gage de notre sanctification, je veux dire Jésus-Christ, qui a porté en son corps sur la croix la peine du péché, lui qui ne l'avait pas commis, lui dont la bouche ne proféra jamais le mensonge.
Il a tout souffert pour nous, afin que nous ayons la vie en Lui. Soyons les imitateurs de sa patience; c'est le glorifier que de savoir souffrir pour son nom.
Souvenez-vous des Apôtres, de nos glorieux martyrs, et soyez persuadés qu'ils n'ont pas couru en vain, mais selon la foi et qu'ils ont la place qui leur était due dans la société de Seigneur, avec lequel ils ont souffert.
Ce n'est pas le siècle présent qu'ils aimaient, mais Jésus-Christ qui est mort pour nous, et que Dieu a ressuscité à cause de nous.
Attachez vous à ces vérités; demeurez fermes et inébranlables dans la foi et soyez fidèles à l'union fraternelle.
Saint Polycarpe
37- "Nous n'avons point ici de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir." ( Héb., XIII, 14 )
Nous devons considérer que nous avons renoncé au monde, que nous n'y séjournons quelques moments que comme étrangers et voyageurs.
Embrassons donc le jour bienheureux qui introduira chacun de nous dans sa demeure tranquille, qui, nous ayant délivrés du monde et détachés et nous donnera entrée dans le royaume céleste.
Quel est l'étranger qui, loin de sa patrie, ne se hâte point d'y revenir? Le voyageur, qui, battu par la tempête, ne fasse des vœux pour se retrouver au sein d'une famille chérie? Notre patrie, c'est le paradis; notre famille se sont les patriarches.
Pourquoi donc ne courons-nous pas de revoir notre patrie et embrasser nos parents? Grand nom de nos amis, de nos frères, de nos enfants nous y attendent déjà, sûrs de leur salut, et encore en peine du nôtre.

Quelle joie pour eux et pour nous de nous revoir, de nous embrasser réciproquement! Quel triomphe délicieux de jouir d'une vie où il n'y a plus à craindre de mourir, et du royaume céleste avec l'assurance d'en posséder à jamais les ineffables béatitudes?
C'est la que nous verrons l'illustre chœur des Apôtres et des prophètes, tous rayonnants de gloire et d'allégresse; des milliers de martyrs couronnés des palmes de la victoire; des vierges triomphantes qui, par leur héroïsme, ont surmonté les concupiscences de la chair et des sens; les chrétiens miséricordieux qui ont versé leurs aumônes dans le sein des pauvres.
Fidèles aux préceptes du Seigneur, ils ont envoyé leurs trésors dans le ciel, et ils les y retrouvent.
Hâtons-nous d'aller les rejoindre; demandons-le avec ardeur; unissons tous nos vœux pour y arriver le plutôt possible au bonheur de nous trouver avec Jésus-Christ dans sa gloire.
Saint Cyprien de Carthage
38- "L'amour de Dieu a paru en ceci, c'est que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous ayons la vie par lui." ( 1, Jean, VI, 8 )
Dieu lui-même, le Tout-Puissant, le Créateur de toutes choses, a fait descendre du ciel sur la terre la vérité, c'est-à-dire son Verbe saint et incompréhensible; il a voulu que le cœur de l'homme fut à jamais sa demeure.
Ce n'est donc pas comme quelques uns pourraient le croire un ministre du Très-Haut qui nous a été envoyé, un ange, un archange, un des esprits qui veillent à la conduite du monde ou qui président au gouvernement des cieux.
Celui qui est venu vers nous est l'auteur, le créateur du monde, par qui Dieu le Père a fait les cieux, a donné des limites à la mer; c'est lui à qui obéissent et le soleil, dont il a tracé la route dans les cieux avec ordre de la parcourir chaque jour sans sortir de la linge tracée, et la lune qui doit prêter son flambeau à la nuit et les astres qui suivent son cours; c'est lui à qui tout est soumis, les cieux et tout ce qui est dans les cieux, la terre et tout ce qui est sur la terre, la mer et tout ce qui est au sein de la mer: voilà celui que Dieu nous à envoyé non comme un conquérant chargé de semer la terreur et d'exercer partout un tyrannique empire.

Non, il l'a envoyé comme un Roi envoie son fils, lui donnant pour cortège la douceur et la clémence; il a envoyé ce fils comme étant Dieu lui-même; il l'a envoyé comme à de faibles mortels; il l'a envoyé en père qui veut les sauver, qui ne réclame que leur soumission, qui ne connaît pas la violence; la violence n'est pas Dieu; il l'a envoyé comme un ami qui appelle et non comme un persécuteur; il l'a envoyé, n'écoutant que l'amour.
Epître a Diognète
39- "Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures, car il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et les puissances qui subsistent ont été établies de Dieu." ( Rom, XIII, 1 )
Dieu a voulu qu'il y eût parmi les hommes divers degrés de subordination, comme du fils au père, des jeunes gens aux vieillards, de la femme à l'homme, du disciple ai maître, du sujet au prince.
Faut-il s'étonner qu'il ait établi cette dépendance dans le monde puisqu'il l'a établie dans notre propre corps?
Tous les membres n'en sont pas également relevés; les diverses parties dont il se compose ont plus ou moins de noblesse; tel membre est fait pour ordonner le mouvement, tel autre pour l'exécuter; l'un commande, l'autre obéit.
La même inégalité se retrouve dans les animaux qui peuplent nos campagnes, qui se répandent dans l'air ou qui habitent au fond des eaux.

Nous les voyons former des familles soumises à des chefs dont ils suivent les ordres, soit pour leur police, soit pour leurs travaux ou leurs combats, soit pour les excursions lointaines.
Une liberté sans règle et sans frein ne serait qu'une source de désordres et de calamités.
Mais quoi! Direz-vous, des hommes destinés à un royaume céleste, être soumis aux puissances de la terre!
Une telle dépendance n'a-t-elle pas quelque chose d'avilissant? Que les fidèles, qui tiendraient ce langage se rassurent.
En nous commandant la soumission, saint Paul nous assujettit bien moins à des hommes qu'à Dieu puisqu'il déclare que c'est à Dieu que nous obéissons et qu'en résistant aux ordres du prince, c'est à Dieu que l'on résiste.
Saint Jean Chrysostome
40- "Le corps n'est point l'impureté, mais il est pour le Seigneur et le Seigneur pour le corps; car Dieu qui a ressuscité le Seigneur, vous ressuscitera par sa puissance." ( 1, Cor. VI, 13, 14 )
Qui croit fermement que sa chair ressuscitera, prend bien garde de la souiller et de la corrompre. Il y voit le vêtement de son âme, qu'il tâche de conserver pure et sans péché; au lieu qu'il est indifférent à celui qui ne crois pas à la résurrection de se plonger dans la fange du péché.
Voilà pourquoi l'Église prescrit à tous ses enfants de professer le dogme de la résurrection de la chair. Il est donc de la plus haute importance d'en être instruit.
On nous dit: comment un homme après qu'il est mort, que son corps a été réduit en poussière, après que sa chair a été la pâture des vers et que ces vers eux-mêmes sont devenus la proie de la mort, pourra-t-il être rendu à la vie?
Ainsi nos jugements se mesurent-ils en tout sur les étroites limites de notre vue, au lieu de se fonder sur l'immensité de la divine toute-puissance. Parce qu'une chose échappe à votre intelligence, ne la jugez pas impossible à Dieu.

Où étions-nous il y a un siècle ou deux? N'avons-nous pas pris naissance d'une matière vile et abjecte?
Dieu qui nous a formés de si peu de chose, avec quelques grains de poudre, ne pourra-t-il pas après que les parties de notre corps auront été dispersées par la mort, les réunir et les faire revivre?
Et s'il a donné l'être à ce qui ne l'avais pas, ne peut-il pas redonner la vie à ceux qui l'ont perdue?
Saint Cyrile d'Alexandrie
41- "Celui qui me mange doit vivre pour moi." ( Jean. VI )
C'est la chair de Jésus-Christ que nous mangeons; mais c'est son esprit qui nous vivifie!
La chair seule ne profite rien, comme il le dit Lui-même; oui, la chair, quoique tellement unie au Verbe, que saint Jean ne craint point de dire que le Verbe s'est fait chair.
Il ne l'a unie que pour nous communiquer son esprit plus étroitement; il ne nous l'a donnée à manger que pour nous incorporer à lui, et faire vivre nos âmes de sa vie divine.
Pourquoi, vivant si souvent de lui, refusons-nous de vivre pour lui? Que devient en nous ce pain céleste, cette chair toute divine?

A quoi servent nos communions?
Jésus-Christ vit-il véritablement en nous? Ses sentiments, ses actions se manifestent-elles en notre chair mortelle? Croissons-nous en Jésus-Christ?
Pourquoi toujours s'amuser, toujours murmurer contre les moindres peines, toujours ramper sur la terre, toujours chercher de misérables consolations, toujours cacher ses défauts, sans les corriger, pendant qu'on ne fait qu'un avec lui!
Jésus-Christ est toute notre vie; c'est la vérité éternelle dont nous devons être nourris. Quel moyen de prendre un aliment si divin et de languir toujours!
Ne pas croître dans la vertu, n'avoir ni force, ni santé; se repaître de mensonge, fomenter dans son cœur des passions dangereuses, être dégouté des vrais biens, est-ce la vie d'un chrétien qui mange le pain su ciel?
Jésus-Christ ne veut pas s'unir et s'incorporer avec nous, que pour vivre dans le fond de nos cœurs; il faut qu'il se manifeste dans notre chair mortelle, que Jésus-Christ paraisse en nous, puisque nous ne faisons qu'une même chose avec lui.
"Je vis, mais ce n'est plus moi qui vis; c'est Jésus-Christ qui vit en moi", dans sa créature, déjà morte ou décidée à mourir à l'esprit du monde et à toutes ses vanités coupables.
Fénelon (environs de 1700)

42- "Il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné aux hommes pour lequel nous devions être sauvés." ( Act. IV, 12 )
Jésus-Christ à divers noms dans l'Ecriture. Il est appelé: voie, porte, pierre, fondement, racine, pasteur et brebis, vie et lumière, époux et Seigneur.
Ces diverses appellations marquent ses rapports avec son Église.
- Voie: c'est en lui que nous devons marcher pour aller à son Père.
- Porte: par Jésus-Christ seul nous pouvons entrer dans son royaume.
- Pierre: image de la fermeté inébranlable de la foi donnée à son Église.
- Fondement: c'est sur Lui qui repose toute l'édifice.
- Racine: nous ne portons que par Lui les fruits de la vie éternelle.
- Pasteur: c'est Lui qui pourvoit à notre nourriture.
- Brebis: qui s'est immolé pour notre Salut, comme une victime de propitiation.
- La Vie: parce qu'il nous a retirés des ombres de la mort.
- Lumière: parce qu'il a dissipé les ténèbres.
- Verbe: comme étant engendré de Dieu son Père.
- Chef: du corps dont nous sommes les membres.
- Epoux: parce qu'il a uni son Église à sa personne par une alliance indissoluble.
Ces désignations humaines n'altèrent en rien l'idée que nous devons avoir de la divinité; car sa majesté est ineffable, sa sagesse sans bornes, ses jugements et ses voies impénétrables.
Saint Jean Chrysostome

43- "Ils seront rassasiés de la graisse de ta maison, et tu les abreuveras au fleuve de tes délices." ( Ps. XXXVI, 9 )
Il vous faut des plaisir! Eh! Dès à présent n'en trouvez-vous pas sur la route de la vie? Ingrat! Vous n'êtes pas satisfait de ceux que la main d'un Dieu libéral vous dispense avec profusion! Vous ne le reconnaissez pas?
Mais quelle source plus féconde de voluptés saintes que d'avoir été réconcilié avec votre Seigneur et votre Dieu; que d'avoir été appelé à la connaissance de la vérité, à la révélation de vos erreurs, au pardon des péchés que vous avez commis?
Quel plaisir plus délicieux que de mépriser le plaisir même, de s'élever au-dessus de tout ce qui tien au siècle? Que de jouir d'une liberté vraie, de sa conscience tout entière, de ne redouter pas même la mort, de fouler sous ses pieds les dieux des nations, de mettre en fuite les démons, de vivre pour Dieu?
Ce sont là les plaisirs du chrétien, ses spectacles. Vous parlerai-je aussi d'un triomphe qui ne se fera pas attendre, de l'arrivée de Seigneur, dans l'éclat de sa gloire.
Contemplez ces légions d'anges empressés autour de lui; tous les saints ressuscités pour l'immortalité; le règne des justes commencé pour ne finir jamais; des béatitudes que l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, que l'esprit de l'homme ne concevra jamais.
Voilà, ce me semble des spectacles bien autrement intéressants que tous vos cirques et tous vos théâtres.
Tertullien de Carthage

44- "Le juste vivra par la foi." ( Rom. 1, 17 )
Les plus belles actions, détachées de la foi, doivent être regardées comme dépourvues de mérite. Vous courez, et fort bien, mais hors de la bonne voie: vous courez en pure perte.
Tout le bien qui est fait hors de la foi est donc vide. C'est l'intention qui détermine la valeur de l'œuvre et c'est la foi qui règle l'intention.
Arrêtez-vous à considérer moins l'action en elle-même que la fin que l'on s'y propose. Vous me vantez cet homme pour être un excellent pilote: personne n'est plus habile à manier le gouvernail; le voilà en pleine mer.
Vous lui demandez où il veut aller; s'il vous répond: je n'en sais rien; ou bien qu'en vous répondant: je veux aborder à tel endroit, au lieu de se diriger de ce côté il aille droit se briser contre des écueils, n'est-il pas évident que toute son habileté ne le sauve pas du naufrage, et ne fait même que l'y pousser avec plus de force?
Ne lui voudriez-vous pas moins de science et plus de sagesse? La foi est la force qui nous soutient et la lumière qui nous guide.

La foi nous trouve pécheurs et en faisant naître dans nos âmes, Dieu nous fait justes. "Si quelqu'un croit en celui qui justifie le méchant, dit saint Paul, sa foi lui est imputée à justice." Par la foi le méchant devient juste de méchant qu'il était.
Saint Augustin
45- "Heureux ceux qui souffrent persécution à cause de la justice; car le royaume des cieux est à eux." ( Math, V, 10 )
Voilà le terme de nos combats, le dénouement de nos épreuves, la récompense des travaux entrepris pour la cause du Seigneur, le prix de nos sueurs: un royaume où il n'y a plus d'amertumes.
S'il est douloureux de souffrir, envisageons le terme. Nous ne saurions être déçus dans notre attente; elle repose sur la parole du Tout-Puissant.
Plein de cette grande espérance, saint Etienne se rit des pierres qui pleuvent sur lui de toutes parts. Pour lui une grêle de cailloux n'est plus qu'une douce rosée. Il voit ce qu'il avait espéré, le ciel ouvert et Dieu présent au combat, prêt à couronner son athlète.

Et certes, comment renoncer à tous les agréments de la vie, résister à la violence des persécutions, à l'amertume des séparations les plus douloureuses, à moins d'être assisté par le Dieu qui, selon l'expression de l'Apôtre, "justifie et glorifie ceux qu'il a prédestinés?"
Mais alors ce qui fixe les regards ce n'est plus ce que l'on quitte, c'est la le lieu où on va. Ce n'est plus la perte des choses de la terre qui afflige; c'est la possession du ciel qui enflamme.
Les plus affreuses tortures ne sont que l'instrument désirable qui nous porte au terme de nos vœux. La flemme des bûchers n'est plus qu'une épuration. Le glaive ne fait que détacher l'âme des liens malheureux qui l'unissait à une matière charnelle.
"Heureux donc, nous dit le Seigneur, ceux qui souffrent persécution pour l'amour de moi."
Heureux parce qu'ils échappent à cette fatale concupiscence qui menace l'âme tout le temps qu'elle reste enchaînée au corps; heureux parce qu'ils sont affranchis désormais de l'ignorance, de la corruption, de l'esclavage du péché; heureux parce que leur affranchissement les met en possession d'une dignité royale.
Saint Grégoire de Nysse
46- "Détourne toi du mal et fais le bien." ( Ps., XXXIV, 15 )
Parce que nous disons que tout a été connu et prédit d'avance, n'allez pas croire que nous pensions que tout a été soumis aux lois d'une fatale nécessité.
Détruisons cette erreur.
Si tout est soumis aux lois d'une aveugle nécessité, dès lors il n'y a plus de liberté; si l'homme est bon ou mauvais, parce qu'ainsi le veut le destin, il n'est ni louable ni répréhensible; s'il n'a pas la faculté de choisir entre le bien et le mal, quoi qu'il fasse, il est sans crime.

Mais c'est librement que l'homme embrasse la vertu, c'est librement qu'il se plonge dans le vice. En effet, ne voyons-nous pas le même homme passer successivement du vice à la vertu, de la vertu au vice?
Or s'il était arrêté par le destin qu'il est nécessairement bon ou mauvais, serait-il capable des contraires, changerait-il si souvent?
Disons mieux, il n'y aurait plus ni bons, ni méchants; car de deux choses l'une, ou il faudrait tout rejeter sur le destin et le reconnaître seul auteur de toutes ces contradictions, ou dire qu'il n'y a ni vice, ni vertu, que le bien et le mal ne sont qu'une affaire d'opinion; système, comme la saine raison le démontre, le plus impie et le plus absurde.
Il n'est à nos yeux qu'une seule destinée inévitable, c'est que ceux qui choisissent la vertu recevront la récompense attachée à la vertu, et ceux qui préfèrent le vice auront également le salaire qui leur est dû.
Dieu n'a pas crée l'homme semblable aux plantes, ni aux bêtes qui sont incapables de choisir et de se déterminer librement; mais nous savons par l'Esprit Saint qui animait les prophètes que l'homme est libre.
Voilà pourquoi Dieu nous fait dire par Moïse: "J'ai mis devant toi le bien et le mal, choisis le bien."
Saint Justin Martyr
47- "Il a plus à Dieu de se réconcilier toutes choses par Jésus-Christ, tant celles qui sont dans les cieux, que celles qui sont sur la terre." (Col., 1, 20)
Tel qu'un habile architecte qui rétablit une maison tombant en ruines, Jésus-Christ en s'unissant à la nature humaine l'a réparée. Les parties qui en étaient rompues et détachées il les a rejointes et a relevé celles qui étaient gisantes à terre.
Mais ce qui est bien plus excellent que la guérison des corps, il a opéré la guérison des âmes.
Les maladies dont elles étaient souillées, il les a vaincues. D'un publicain, il a fait un apôtre; d'un persécuteur, le docteur des nations; d'un voleur, il a fait un citoyen du royaume céleste; d'une prostituée, le modèle d'une foi héroïque.

Et des hommes qui ne s'étaient fait remarquer que par l'excès de leurs dérèglements, des cités, des nations entières, plongées auparavant dans l'abîme du crime, changées, converties tout à coup, ont déployé des vertus égales à celles des esprits célestes.
Mais c'est sur la croix, au milieu des outrages qu'il y subit que Jésus-Christ fait paraître sa gloire; car non seulement il y a déployé sa charité et son amour, mais encore il y a manifesté sa puissance, puisque c'est au moment où il subissait la mort que la mort a été détruite, la malédiction effacée, les démons confondus et la cédule de nos péchés attaché à sa croix.
Saint Jean Chrysostome
48- "Venez et marchons à la lumière de l'Eternel." (Esaïe, II, 5 )
De même que la lumière sensible ne se fait pas percevoir également de tous et qu'elle ne se découvre qu'à ceux qui ont les yeux ouverts, et que rien n'empêche de jouir de la présence du soleil; de même, le soleil de justice, cette lumière vraie "qui éclaire tout homme entrant dans le monde," ne se découvre pas indifféremment à tous, mais se réserve à ceux qui vivent de manière à se rendre dignes de ce bienfait.
"La lumière, dit l'Ecriture, s'est levée pour le juste, " non pour le pécheur.
Le soleil paraît sur l'horizon; pourquoi? Ce n'est point pour les oiseaux malfaiteurs qui s'enveloppent des ombres de la nuit. Ainsi, bien que la lumière brille par elle-même, et que sa nature soit dissiper l'obscurité, tous ne participent point à la clarté de ses rayons.
Heureux celui qui au jour du rigoureux jugement, à ce formidable jour où le Seigneur "produira à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres et manifestera les plus secrètes pensées des cœurs," pourra soutenir l'éclat de cette lumière et s'avancera vers le tribunal du souverain Juge sans avoir à rougir des reproches d'une conscience coupable?
Alors, ceux qui auront commis le mal, ressuscités pour l'opprobre et la confusion verront au fond de leur conscience la hideuse empreinte de leurs crimes?

Et peut-être cette confusion à laquelle les pécheurs seront dévoués à jamais, sera-t-elle pour eux un châtiment plus horrible que l'épaisseur des ténèbres, que les ardeurs du feu qui ne s'éteindra jamais, parce qu'ils auront éternellement sous les yeux la trace de leurs péchés profondément imprimés dans leur chair, de manière à ne s'effacer jamais et que leur mémoire ne pourra pas s'en détacher un seul instant.
Saint Basile de Césarée
49- "Le fil de leur vie est coupé; les hommes meurent sans avoir été sages." ( Job. IV, 21 )
Quels étranges contrastes l'homme n'offre-t-il pas? Quelle activité pour se procurer des biens dont il ne peut jouir qu'un moment! Quelle ardeur pour des objets futiles! Et quelle léthargie pour la seule chose nécessaire!
Rien ne lui coûte pour soigner ses intérêts terrestres; la grande affaire de son salut est la seule dont il ne s'embarrasse point. Qu'il vienne à perdre l'animal qui lui sert de monture, il se désole; qu'il s'expose à perdre son âme, il n'y songe pas.
Il détourne le cours des fleuves, il plonge dans les abîmes des mers, il perce l'épaisseur des forêts et l'obscurité des cavernes les plus profondes; il rassemble, il élève les eaux, les soutient et les suspend dans l'air: on ne saurait compter ses découvertes.
Mais parlez-lui des vérités les plus graves, du jugement dernier, du compte solennel qu'il aura bientôt à rendre de sa vie, il s'endort; il ne se réveille que pour courir après de nouveaux gains; toute l'activité de son esprit se perd à rechercher ou à conserver quelques richesses périssables.
Dans ce but il franchit sans hésitation et les terres et les mers: il n'y a que l'Église dont il oublie le chemin. Ce n'est pas tout, ivre d'orgueil, quoique né d'hier, il veut en savoir autant que celui qui a devancé tout les siècles; il interroge sa nature, il en parle comme d'un ouvrage de ses mains, il ose le soumettre à ses calculs et il prétend limiter la puissance de celui sans lequel il n'existerait pas un instant .
Saint Ephrem le Syriaque

50- "Je t'exalterai, ô mon Dieu, mon Roi, et je bénirait ton nom toujours et à perpétuité." ( Ps. CXLV, 1 )
Il nous est enjoint d'honorer et d'adorer celui-là même que nous reconnaissons pour le Fils de Dieu, pour le Sauveur, pour le modérateur universel, et par lui, le Père, non point à des jours choisis, mais assidûment pendent toute la durée de la vie et par toutes les voies possibles.
Le chrétien intelligent ne loue pas Dieu dans une enceinte circonscrite, dans un temple privilégié, il l'honore pendant toute sa vie; tous les lieux lui son indifférents.
Qu'il soit seul, qu'il soit au milieu d'hommes qui partagent sa foi ou non, il adore Dieu, il lui rend grâce de lui avoir révélé la vie véritable.
Si la présence de l'homme de bien, par le respect et la vénération qu'il inspire, élève la pensée et le cœur de quiconque vit avec lui, comment le chrétien à qui Dieu est toujours présent, ne deviendrait-il pas chaque jour meilleur dans ses actions, dans ses paroles et dans ses affections?
Celui qui croit fermement que Dieu est partout, et non dans des lieux déterminés, ne peut jamais se croire loin de ses regards, ni se plonger sans remords, la nuit ou le jour, dans l'intempérance et la volupté.

Pour nous, la vie tout entière est un long jour de fête. Nous voyons Dieu partout: à la campagne, nous publions ses louanges en cultivant la terre; sur la mer nous chantons des hymnes en navigant. Quelle que soit notre occupation, nous savons toujours la concilier avec la gloire de Dieu.
Nous rapportons constamment à Dieu le légitime usage de toutes choses; nous en offrons les prémices à celui qui nous a tout donné; nous lui rendons des continuelles actions de grâces pour ses dons, pour ses biens et pour le Sauveur qu'il nous a donné.
Saint Clément D'Alexandrie
51- "D'où vient la différence entre toi et un autre? Qu'as-tu que tu l'aies reçu? Et si tu l'as reçu pourquoi t'en glorifies tu comme si tu ne l'avais pas reçu?" ( 1, Cor. IV, 7 )
La grâce nous est donnée, non seulement sans qu'aucun bon mérite ait précédé, mais encore à la suite de quantité de mauvais mérites.
Et lorsque nous avons le bonheur d'avoir reçu ce don précieux, nous commençons à avoir quelques mérites, mérites toutefois dont Dieu seul est le principe; car si la grâce se retire, l'homme tombe aussitôt, et son libre arbitre, loin de le soutenir, ne fait que le précipiter.

Que l'homme donc, lors même qu'il commence à faire de bonnes œuvres, se garde bien de se les attribuer à lui-même au lieu de les attribuer à Dieu.
La grâce de Dieu est donc nécessaire à l'homme, non seulement pour le justifier, c'est-à-dire, pour le faire juste d'impie qu'il est; mais lors même qu'il a été justifié par la foi, il a encore besoin que la grâce marche avec lui, et il faut qu'il 'appuie sur elle pour ne pas tomber.
Voilà pourquoi saint Paul déclare "qu'il a obtenu miséricorde pour devenir fidèle". Il ne dit pas: J'ai obtenu miséricorde parce que j'étais fidèle, mais "pour devenir fidèle".
Par où il montre évidemment que la foi est un don de Dieu et qu'on ne peut l'avoir que par un effet de sa miséricorde.
Les bonnes œuvres naissent de la foi, et non la foi des bonnes œuvres. Les œuvres de justice nous viennent de celui de qui la foi nous vient également.
Saint Augustin
52- "Jésus-Christ a porté nos péchés en son corps sur le bois."
( 1 Pier, 11, 24 )
O admirable jugement, ô mystère ineffable!
Le méchant pèche, et le juste est puni; le coupable fait le mal et l'innocent en subit la peine; l'impie offense Dieu, et le juste est condamné; ce que mérite le méchant, le bon le souffre; le crime de l'esclave est expié par le maître; un Dieu satisfait pour le péché de l'homme.
Jusqu'où, ô Fils de Dieu, jusqu'où ta tendresse?
Jusqu'où l'excès de ta miséricorde?
J'ai compris l'iniquité, tu en as porté la peine; je me suis rendu coupable, tu as supporté la vengeance; j'ai consommé le crime, tu t'es soumis au châtiment; je me suis enorgueilli, tu t'es humilié; j'ai été ambitieux, tu t'es abaissé; j'ai vécu dans la désobéissance, tu as obéi à ton Père pour expier le crime de mon insoumission; j'ai fait ce qui était défendu, tu as enduré le supplice de la croix.
Je suis la plaie que tu endures, la faute qui a causé ta mort; je suis la source de tes souffrances, la cause de tes tourments;
Voilà, ô Roi de gloire, voilà mon impiété, voilà ta bonté; voilà mon injustice, voilà ta justice.
Que te rendrai-je, ô mon Dieu, pour tous les biens dont tu m'as comblé?

Je t'en conjure par tes compassions que le pied de l'orgueilleux ne vienne pas jusqu'à moi, que la main du pécheur ne puisse pas m'ébranler.
Saint Anselme
53- "Les cieux racontent la gloire du Dieu fort." ( Ps. XIX, 1 )
A l'aspect de l'astre du jour, remontez jusqu'à celui qui l'a créé.
Si la beauté du soleil excite votre admiration: que votre premier hommage se dirige vers son auteur.
Si vous recevez tant de bienfaits d'une chose créée; pensez à ce soleil de justice, qui vous en prodigue de plus magnifiques. Si vous admirez avec quelle rapidité le soleil fournit sa brillante carrière; combien plus doit être admiré le Dieu qui est présent partout, et qui remplit tout de sa majesté!
Si vous êtes frappés de l'éclat de ses rayons, quand il ne fait qu'obéir à l'ordre qui lui fut donné; à plus forte raison devez-vous l'être de cette incomparable puissance "qui commande au soleil et le soleil ne se lève point."
S'il vous paraît si grand cet astre, qui chaque jour, se montre sur l'horizon et s'en éloigne; quelle idée vous ferez-vous de la grandeur divine qui, sous les voiles mêmes dont elle se couvre pour nous permettre d'approcher d'elle, se manifeste comme étant la vrai lumière, qui éclaire tout homme venant au monde?
Si le soleil est toujours si excellent, alors même qu'il souffre quelque éclipse; quelle doit être la majesté de celui qui a dit: "Encore un moment et je vais ébranler la terre."
Si l'aveugle, qui ne peut le voir, éprouve de si amères privations; quelle doit être celle du pécheur qui se dérobe à soi-même le bienfait de la lumière véritable et se condamne à l'obscurité des ténèbres du dehors!
Saint Ambroise

54- "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix chaque jour et qu'il me suive." ( Luc, IX, 23 )
Quiconque veut prendre le parti de Dieu, ne doit point s'attendre à mener une vie douce et tranquille. Celui qui croit en Jésus-Christ doit être prêt à répandre son sang; car c'est conserver sa vie pour l'autre monde que de la perdre pour celui-ci.
L'emploi d'une âme fidèle est de porter tous les jours sa croix et de renoncer à soi-même: un impudique qui embrasse la chasteté renonce par le continence à ses dissolutions et à ses débauches; un homme injuste renonce à ses injustices lorsqu'il suit les règles que la justice lui prescrit; un insensé renonce à sa folie s'il confesse Jésus-Christ qui est la puissance et la sagesse de Dieu.

Pénétrés de ces importantes vérités, renonçons à nous-mêmes non seulement dans le temps de la persécution et lorsqu'il s'agit de souffrir le martyre, mais encore dans toute notre conduite, dans toutes nos actions, dans toutes nos pensées, dans tous nos discours; renonçons à tout ce que nous avons été autrefois et faisons voir que nous avons reçu en Jésus-Christ une nouvelle naissance.
Car le Seigneur a été crucifié afin que croyant en lui étant morts au péché, nous nous crucifions aussi avec lui et que nous disions avec l'apôtre: "A Dieu ne plaise que je me glorifie en aucune autre chose qu'en la croix de Jésus-Christ, par laquelle le monde m'est crucifié et moi au monde."
Saint Jérôme
55- "Regardons aux réalités invisibles qui sont éternelles." ( 2, Cor, IV, 18 )
Il faut diriger l'esprit vers le lieu où il doit aller. Nous devons nous hâter vers le lieu où nous devons vivre toujours, et où nous n'aurons plus à craindre la mort.
Nous devons avec ardeur la vie éternelle où nous n'aurons plus de souffrances à endurer, où l'on goûte un souverain bonheur, une souveraine félicité, une heureuse liberté, une délicieuse béatitude; où les hommes seront semblables aux anges de Dieu, où les justes seront, dans le royaume de leur Père, aussi éclatants que le soleil.
Là la malice n'aura rien à suggérer et la chair ne sera plus soumise à ses misères.
L'ennemi ne nous tentera plus, nous, nous n'aurons plus la volonté de pécher, ni la faculté de manquer à notre devoir.
Il y aura là une joie infinie, une béatitude éternelle; là on goûtera le repos après le travail, la paix après la guerre, les charmes que procure la nouveauté, la sécurité que donne l'éternité, la suavité et la douceur que l'on trouve dans la vue de Dieu.

Là il n'y aura point d'étrangers, tous ceux qui seront dignes d'y parvenir, seront en sureté dans leur propre patrie et seront éternellement rassasiés de la vue de Dieu.
Plus on aimera Dieu, plus on verra près de soi celui que l'on désire voir.
Saint Bernard
56- "J'élève mes yeux vers toi, qui demeures dans les cieux." ( Ps. CXXIII, 1 )
Portons autant que nous pouvons les regards de de notre esprit vers le souverain bien si beau, si charmant, si bon; ne nous occupons que de lui, attachons-nous y fortement afin que notre âme soit embellie par sa lumière et par son éclat, et que notre entendement en soit pénétré: car si nos yeux affaiblis par quelque accident se récréent en contemplant la verdure d'une campagne, si par la vue d'une forêt ou d'une colline couverte de gazon, ils se soulagent de ce qui avait causé leur maladie, si leurs paupières et leurs orbites semblent se ranimer, combien plus est lumineux et brillant l'œil de notre âme lorsqu'il voit ce souverain bien, qu'il s'en occupe fortement et qu'il s'en nourrit.
C'est le Seigneur Jésus qui est ce bien suprême.
Désirons donc que ce bien vienne jusqu'à nous, qu'il remplisse notre esprit et notre âme.
Ce bien est notre trésor, notre voie, notre sagesse, notre justice, notre vie.
Ce souverain bien est la fontaine de vie, d'où tous les hommes tirent le principe de leur vie et qui a en lui-même cette vie toujours subsistante.

Dans la pauvreté, il n'a besoin de rien recevoir de personne. Il répand au contraire sur les autres toute sorte de biens.
Celui qui a goûté gratuitement des eaux vives de cette fontaine, que peut-il désirer autre chose, s'il réfléchit que les royaumes, les dignités, les richesses, tout cela est périssable et asservit ceux qui les possèdent?
Saint Ambroise de Milan
57 - "Les choses visibles ne sont que pour un temps, mais les invisibles sont éternelles." ( 2, Cor., IV, 18 )
Voyez s'il est rien de stable ou de permanent dans les choses humaines.
Elles roulent incessamment emportées dans un tourbillon que rien n'arrête. Souvent dans un même jour, au même moment que d'effroyables vicissitudes!
On se hasarde moins encore à compter sur l'inconstance des vents que sur les prospérités de la terre.
Eh! Que ferions-nous si la prospérité nous accompagnait toujours encore en ce monde, puisque toute fragile et incertaine, qu'elle est, elle sait si bien nous abuser par ses impostures, et nous assujettir aux biens présents, qu'elle nous empêche de penser à rien de plus solide et de meilleur?
Les plus sages sont ceux qui, ne donnant point leur confiance aux choses présentes, établissent leurs espérances dans l'avenir et trouvent un fonds bien plus assuré dans la miséricorde divine.
Pourquoi donc cette mobilité des choses humaines, si ce n'est pour nous en découvrir le vide, et, par la considération de leur inconstance, nous amener à la pensée de la vie future, comme dans un port qui nous mette à l'abri des orages?

Songez donc à votre âme et donnez-vous à Dieu, ce sacrifice sera accompagné pour vous de nouveaux bienfaits.
Saint Grégoire de Nazianze
58 - "Il a participé à la chair et au sang afin que, par sa mort il détruisit celui qui avait l'empire de la mort." ( Héb., II, 14 )
Pour accomplir le mystère de notre rédemption, arrêté dans les conseils de Très-Haut avant même la naissance des siècles, le Fils de Dieu est descendu sur la terre, revêtu d'une chair semblable à la nôtre, non pas comme l'un des prophètes, ainsi que le prétendent certains hérétiques, mais réellement fait homme, mais en prenant un corps dans le sein de Marie sa mère, devenue digne par lui de recevoir en elle le Verbe de Dieu.
Si la chair dont il s'est revêtu n'eût pas été véritable, à quoi cela nous aurait-il servi?
Au reste que l'on n'entreprenne point d'expliquer ce mystère.
L'union de Verbe avec l'humanité est un mystère aussi impénétrable à la raison humaine que celui de sa génération éternelle au sein de Dieu son Père.
Il a souffert la mort donnant pour la rémission de nos péchés corps pour corps, âme pour âme. Appellerez-vous sa passion opprobre, ignominie ou plutôt gloire et triomphe tant pour lui-même que pour Dieu son Père.

Loin de chercher à éviter la mort, il court au-devant d'elle. Vous l'entendez qui s'écrie: "Père, glorifie ton nom."
Mais pourquoi a-t-il choisi la mort de la croix?
Parce que soin dessein était d'effacer l'anathème qui pesait sur nous. Il fallait donc qu'il fût attaché au bois de la croix, car il est écrit: "Maudit est quiconque est pendu au bois."
Saint Athanase
"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu. C'est Lui qui au commencement était auprès de Dieu. Toutes choses ont été faites par Lui, et sans Lui rien n'a été fait de ce qui a été fait.
En Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes; et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas comprise.
Il y eut un homme envoyé de Dieu dont le nom était Jean. Celui-ci vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui; il n'était pas la lumière, mais il devait rendre témoignage à la lumière.
Le Verbe était la vraie lumière qui illumine tout homme venant de ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par Lui, et le monde ne l'a pas reçu.
Mais, à tous ceux qui l'ont reçu, Il a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu; à ceux qui croient en son nom, qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu.

ET LE VERBE S'EST FAIT CHAIR, et il a habité parmi nous; et nous avons vu sa gloire, gloire comme du Fils unique venu du Père, plein de grâce et de vérité."
( Jean, I, 1-14 )
59 - "Aujourd'hui, dans la ville de David, le Sauveur qui est le Christ, le Seigneur est né pour nous." ( Luc, II, 11 )
Aujourd'hui une femme purifie le genre humain qu'une femme avait corrompu.
Eve se laisse entraîner par les suggestions perfides du serpent; Marie nous donne celui qui a triomphé de ces ruses. Eve a introduit le péché par le fruit de l'arbre; Marie enfante celui qui sauvera le monde par un autre bois, où sn sang sera versé pour la rédemption des hommes.

Aujourd'hui commence le sacrifice de la victime d'expiation, et la fête de sa naissance n'est que le prélude de celle de Pâque. Dès aujourd'hui écrions-nous donc avec le prophète:
"Voici la journée que le Seigneur a faite, venez, réjouissons-nous et tressaillons d'allégresse."
Tous les miracles de sa vie sont déjà renfermés dans celui de sa naissance. Aujourd'hui Il guérit nos infirmités; il arrache les morts au tombeau; Il chasse les démons; rends aux paralytiques l'usage de leurs membres; la vue aux aveugles; répand sa doctrine céleste et nous révèle nos sublimes destinées en nous affranchissant du honteux esclavage où nous étions tombées.
Quelle preuve de plus pouvait-il nous donner de sa bonté?
Elle éclate par son amour envers les ingrats qui l'avaient abandonné.
De sagesse?
Il la montre en se faisant esclave pour nous affranchir.
De sa justice?
Il se fait notre otage pour nous apprendre à quelle dette nous
étions obligés.
De sa puissance?
Il ne permettra que sa chair sente la corruption et se fera reconnaître ainsi pour l'auteur de la vie.
Saint Grégoire de Nysse
60 - "C'est Dieu qui produit en vous et la volonté et l'exécution selon son bon plaisir." ( Phil., II, 13 )
Quand l'homme devient-il un bon arbre? C'est quand il reçois le don de la grâce. Ce n'est pas par lui-même que l'homme se rend bon de mauvais qu'il était.
Il ne peut avoir de bonté que de celui, par celui, et en celui qui est toujours bon.
Ce n'est pas même assez de dire que l'homme a besoin de secours de la grâce pour devenir un bon arbre; elle lui est encore nécessaire pour produire de bons fruits; et sans elle il ne peut rien faire de bon; car comme c'est Dieu qui arrose et qui cultive l'arbre à l'extérieur par les mains de ses ministres, dont il juge à propos de se servir, et qui donne par lui-même l'accroissement intérieur; c'est aussi lui qui opère avec l'homme, et produit les fruits dans les bons arbres.
Pour le mauvais arbre, c'est l'homme seul qui le fait, quand il se rend lui-même mauvais, quand il s'éloigne du bien souverain et immuable.

Car c'est dans ce défaut et cet éloignement du souverain bien, que la mauvaise volonté prend son origine.
La foi en Jésus-Christ cesserait d'être nécessaire au salut, si l'homme pouvait sans elle vivre ¨conformément aux lois de la justice.
Dans ce cas, il s'en suivrait que Jésus-Christ est mort en vain. Que si Jésus-Christ n'est pas mort en vain, la première conséquence, c'est que la nature humaine n'a pu être justifiée, ni délivré de la peine qu'elle méritait que par la foi et le sang de Jésus-Christ.
Notre nature étant viciée, corrompue dans sa tige, elle a eu besoin d'un médecin pour le rendre à la santé; et c'est ce que la charité divine a bien voulu exécuter, en nous justifiant par les mérites du sang de Jésus-Christ.
Saint Augustin
61 - "Toi, suis-moi." ( Jean, XXI, 19 )
Sur le simple appel de Jésus-Christ, Pierre et André le suivirent. Ils ne l'avaient pourtant pas encore vu faire des miracles.
Nous au contraire nous sommes entourés de ses miracles. Ce n'est plus un Dieu caché sous les voiles de son humanité qui nous parle. C'est un Dieu triomphant dans le ciel, qui nous crie de nous convertir. Il foudroie sous nous yeux toutes les pompes du siècle.
Par les désastres journaliers dont il nous afflige, il nous appelle à la pensée du formidable jour de jugement dernier qui s'apprête; et notre vanité indocile et superbe ne consent pas à se détacher de ces biens périssables qui tous les nous échappent malgré nous.

Qu'aurons-nous donc à lui répondre à ce jour terrible, nous dans qui, ni ses commandements, ni ses châtiments ne peuvent étouffer l'amour que nous avons pour les choses présentes?
Quel endurcissement!
Tous les éléments ont rendu hommage à sa divinité, durant sa vie et à sa mort: le ciel, en lui envoyant une étoile pour saluer sa naissance; la mer, en s'affermissant sous ses pieds; le soleil, en voilant ses rayons quand il le vit sur la croix; les rochers quand ils se fendirent au moment où il expira; les sépulcres, en rendant les morts qu'ils tenaient renfermés.
La nature entière a reconnu en Jésus-Christ son créateur et son maître; l'homme seul, comme les juifs, se montre quelquefois plus dur que les rochers et plus froid que les sépulcres.
Saint Grégoire "Le Grand"
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